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inuit et vikings dans l'arctique canadien
de l'an 1000 à
1400
robert
mcghee
musée canadien des civilisations
il y a environ 1000 ans, le climat de l'hémisphère nord
se réchauffa sensiblement, et pendant plusieurs siècles la
température de l'arctique fut plus douce qu'elle ne l'est aujourd'hui.
il se produisit alors un dégel considérable de l'eau de la
mer. a peu près au début de cette période, deux groupes
humains entreprirent d'importantes migrations dans les régions arctiques
de l'amérique du nord. de l'ouest arrivèrent les inuit de
l'alaska (esquimaux), nommés peuple de thulé. ils sont les
ancêtres des actuels inuit de l'arctique canadien et du groenland.
ils se déplacèrent rapidement vers l'est, se servant comme
moyen de transport de grandes embarcations en peau. ils se nourrissaient
surtout de baleines et d'autes mammifères marins. vers l'an 1000,
certaines bandes d'entre eux avaient atteint le nord-ouest du groenland.
de l'est arrivèrent les vikings d'islande; ils venaient de colonies
qu'ils avaient établies dans le sud-ouest du groenland à
la fin du xe siècle (appuyez ici pour voir
une carte des colonies). les sagas et les chroniques vikings parlent de
diverses expéditions visant à explorer la côte est
de l'amérique du nord et de l'établissement de colonies qui
furent habitées pendant de brèves périodes. scientifiques
et profanes s'efforcent depuis longtemps de localiser avec précision
les terres mentionnées dans les sagas : helluland (terre des pierres
plates), markland (pays des bois) et vinland (terre du vin). aujourd'hui,
on croit généralement que le helluland correspond aux étendues
stériles et rocheuses de l'île de baffin, que le markland
désigne la côte fortement boisée du labrador, et que
le vinland n'est autre que les côtes du golfe du saint-laurent. la
majorité des archéologues n'accepte que le site archéologique
de l'anse aux meadows, à la pointe nord de terre-neuve, comme preuve
de la présence nordique en amérique du nord. les autochtones
de ces nouvelles terres reçoivent dans les sagas le nom de «skraelings»,
mais il est impossible de déterminer, d'après la vague description
qui en est faite, si ces skraelings étaient des indiens ou des inuit;
les découvertes archéologiques permettent de penser que les
vikings ont rencontré les deux groupes.
seuls quelques rares documents indiquent qu'il ait pu y avoir des contacts
entre les inuit et les vikings des colonies groenlandaises; toutefois,
le fait que des objets de facture nordique aient été récemment
découverts dans des sites inuit répartis dans divers endroits
de l'arctique canadien nous autorise à examiner les diverses possibilités
de rencontres. afin de déterminer la nature des contacts entre ces
deux groupes, et de comprendre comment des objets d'origine nordique ont
pu se retrouver dans les établissements inuit, nous disposons principalement
de trois moyens : les sagas islandaises et autres récits de la même
période, les légendes inuit traditionnelles, et les
résultats de nos recherches archéologiques.
les sagas islandaises
d'après les sagas vikings, érik le rouge découvrit
le groenland vers l'an 982, et en l'espace de quelques dizaines d'années,
les islandais fondèrent deux établissements sur la côte
sud-ouest. ces colonies, qui pouvaient compter jusqu'à 3000 habitants,
continuèrent d'exister jusqu'au xve siècle. lorsqu'érik
débarqua dans cette nouvelle terre, il n'y trouva pas d'habitants.
il découvrit cependant des traces manifestes d'occupations antérieures
: des fragments d'embarcations et d'outils en pierre, vraisemblablement
des vestiges de la culture de dorset, propre à une race esquimaude
ou à caractéristiques esquimaudes, ayant occupé les
régions arctiques de l'amérique du nord depuis environ 2000
ans av. j.-c. cette race fut sans doute exterminée par les inuit,
arrivés plus tard. l'islandais thorgils orrabeinsfostre, qui séjourna
pendant trois ans sur la côte est du groenland, après y avoir
fait naufrage vers l'an 1000, rencontra peut-être ces populations.
les sagas racontent en effet des aventures étranges et terribles
arrivées à thorgils et à ses hommes. dans une de ces
histoires, ils voient deux «sorcières» en train de dépecer
un mammifère marin, à côté d'un trou percé
dans la glace. ils coupent la main de l'une d'elles, les sorcières
prennent la fuite et les vikings réclament la prise.
entre 1000 et 1030, les vikings montèrent au moins quatre expédions
vers le vinland et le markland. au markland, ils eurent un affrontement
avec des gens qui dormaient sous leurs bateaux. l'un d'eux tua le chef
de l'expédition avec une flèche. au vinland, ils rencontrèrent
des gens qui se déplaçaient dans des embarcations, et troquèrent
avec eux du tissu rouge contre des fourrures; cependant, le deuxième
contact avec ce groupe dégénéra en échauffourée.
on est à peu près certain que ces skraelings du markland
et du vinland étaient des indiens, les ancêtres des montagnais
et des béothuks.
les rencontres entre vikings et inuit, en plus d'être rapportées
dans les sagas, sont mentionnées dans des lettres et divers autres
récits. un de ces récits raconte qu'en 1266, des chasseurs
nordiques s'étant aventurés plus au nord qu'à l'ordinaire,
peut-être aussi loin que la baie melville, trouvèrent des
traces d'occupation laissées par les skraelings. à ce sujet,
on peut lire dans history of norway (histoire de la norvège), écrite
au xiiie siècle, les lignes suivantes : «... plus au nord,
des chasseurs sont tombés sur des gens de petite taille, qu'ils
appellent skraelings; lorsqu'ils sont blessés, leurs plaies blanchissent
et ne saignent pas, mais quand ils meurent le sang n'arrête pas de
couler. ils ne connaissent pas le fer, mais se servent de défenses
de morse comme projectiles et de pierres aiguisées au lieu de couteaux.»
ce texte est le premier qui fasse état d'une rencontre avec les
inuit, bien que ceux-ci soient arrivés au nord-ouest du groenland
à peu près à l'époque où les vikings
s'établissaient sur la côte sud-ouest de l'île.
vers 1350, ivar bardson fut envoyé au groenland à la tête
d'une expédition destinée à secourir la colonie de
l'ouest, mais la trouva abandonnée. il ne rencontra aucun inuit
au cours de l'expédition, mais le récit laisse entendre que
les inuit ne furent peut-être pas étrangers à la disparition
de la colonie. les sagas racontent qu'environ trente ans plus tard, en
1379, les skraelings attaquèrent la colonie de l'est, tuant dix-huit
hommes et capturant deux garçons et une femme. c'est dans une lettre pontificale,
d'authenticité douteuse, datée de 1448, qu'on trouve pour
la dernière fois mention d'un contact possible : elle parle en effet
d'une attaque lancée trente ans plus tôt contre la colonie
du groenland «à partir des rivages habités par les
paîens, non loin de là», et précise que la plupart
des églises furent détruites.
ces quelques brefs récits suggèrent que les contacts entre
vikings et inuit étaient rares et violents, et l'idée que
les colonies nordiques du groenland furent exterminées par les inuit
est aujourd'hui communément admise dans les écrits sur le
sujet. toutefois, comme les sagas furent écrites plusieurs siècles
après les événements qu'elles relatent, et après
que les récits furent transmis oralement pendant des générations,
il est vraisemblable que la relation d'événements dramatiques,
comme les combats et les scènes de violence, ait été
grandement exagérée par les conteurs.
légendes inuit traditionnelles
les légendes inuit traditionnelles, pour leur part, laissent
entendre que les vikings étaient peut-être aussi désireux
de pratiquer le troc que de se battre, ce qui correspondrait aux réalités
économiques du groenland médiéval. le métal
était rare chez les vikings du groenland, étant donné
qu'il fallait l'importer d'europe, comme d'ailleurs les céréales,
le bois et les biens de luxe. les paiements de ces importations s'effectuaient
en peaux de morse, d'ours polaire et d'autres animaux, et surtout en ivoire
de morse et de narval. afin d'amasser les vastes quantités d'ivoire
de morse qui, selon les documents, étaient troquées contre
des produits européens, les vikings devaient parcourir cinq cents
kilomètres pour se rendre, au nord de leurs colonies, jusqu'aux
terrains de (passe où abondaient les morses. une fois arrivés,
ils auraient eu avantage à troquer avec les inuit de petits bouts
de métal ou des outils usés contre de l'ivoire de morse,
des peaux et d'autres produits locaux, étant donné qu'ils
devaient retourner le plus vite possible dans leurs colonies où
on avait besoin d'eux. si tel était le cas, cela contribuerait à
expliquer la dissémination d'objets nordiques sur de vastes étendues
de l'arctique canadien, dans les sites inuit des xiie et xiiie siècles.
le témoignage de l'archéologie
les découvertes archéologiques effectuées jusqu'à
présent n'appuient pas l'idée qu'il n'y ait eu entre les
deux peuples que des rencontres brèves et violentes. on ne trouve
dans les colonies nordiques du groenland aucune trace de massacre, de destruction
de fermes ou d'occupation de terres vikings par les inuit. dans les établissements
inuit du groenland, on trouve des traces d'objets nordiques, mais rien
n'indique si les inuit les ont obtenu par le troc, par le combat ou par
le pillage de colonies abandonnées. le fait que les archéologues
aient découvert, dans toutes les parties de l'arctique canadien,
des objets en fer, en bronze et en cuivre fondus indique que le métal
était à cette époque une marchandise extrêmement
prisée des inuit.
les objets d'origine européenne ne sont pas rares au groenland.
on en a retrouvés dans des établissements inuit du xive au
xvie siècle, alors que les vikings avaient déjà abandonné
leur colonie de l'ouest. ces objets viennent peut-être du pillage
des fermes inhabitées. toutefois, beaucoup plus au nord, dans la
région de thulé au nord-ouest du groenland, on a retrouvé
aux emplacements de villages inuit du xiie ou xiiie siècle un fragment
de cotte de mailles, un pied de marmite en métal, un peigne, un pion
de jeu de dames et un bout de tissu de laine. a l'ouest de la région
de thulé, dans le voisinage du fiord d'alexandra sur la côte
est de l'île d'ellesmere, on a également exhumé, d'un
site datant du xiie ou du xiiie siècle, un fragment de cotte de
mailles, du tissu de laine, des rivets en métal (du genre de ceux
qui étaient employés pour les bateaux nordiques) et un morceau
de chêne. les fouilles ont récemment mis à jour, dans
un site datant de la période de thulé, sur la côte
ouest de la terre d'ellesmere, un objet de plus grand intérêt
: il s'agit d'une barre articulée en bronze qui faisait partie d'une
balance pliante (appuyez ici pour en voir une photo),
très semblable à celles dont se servaient les marchands nordiques
de l'époque médiévale pour peser les pièces
de monnaie et d'autres petits objets. ces trouvailles laissent croire que
des groupes de chasseurs et de marchands nordiques ont pu atteindre cette
région septentrionale.
on trouve fréquemment dans l'arctique canadien des fragments
de fer provenant de sites inuit de culture thuléenne du xiie ou xiiie siècle.
bien que ces morceaux de métal soient surtout d'origine météorique,
le fer est quelquefois fondu et, tout comme c'est le cas de morceaux de
cuivre et de bronze également fondus, les fragments de fer proviennent
probablement des colonies nordiques. il semble presque certain, d'après
ce que rapportent les sagas, que les nordiques connaissaient l'île
de baffin, qui serait le «helluland», territoire rocheux et
stérile situé au nord du markland et du vinland. les navires
semblent avoir emprunté, pour se rendre du groenland jusqu'au markland
et au vinland, une route longeant au nord la côte du groenland, puis
traversant le détroit de davis là où il est le plus
étroit, ce qui les aurait conduits à accoster dans la péninsule
du cumberland, en terre de baffin. les expéditions jusqu'au markland
(labrador), probablement pour couper du bois, continuèrent au moins
jusqu'en 1347, année où un navire parti du markland à
destination du groenland aurait été poussé jusqu'à
l'islande. au cours des trois siècles précédents,
les vikings devaient vogué, du moins de temps à autre, le
long de la côte est de l'île de baffin, et il semble quasi
inévitable qu'ils y aient parfois débarqué. si des
relations commerciales avaient déjà été établies
à cette époque avec les inuit du groenland, on peut supposer
qu'elles furent étendues avec profit aux inuit de culture thuléenne
de la terre de baffin.
des recherches archéologiques effectuées dans une habitation
inuit du xiiie siècle, dans la partie sud de l'île de baffin,
ont rapporté une trouvaille unique. il s'agit d'une petite sculpture
sur bois (appuyez ici pour en voir une photo),
exécutée dans le style caractéristique des thuléens à cette époque, mais représentant
un personnage vêtu d'une longue robe, portant sur la poitrine ce
qui paraît être une croix. les vêtements sont semblables
à ceux que portaient les européens d'alors, ce qui permet
de croire que le sculpteur avait vu quelqu'un vêtu de cette façon.
on a trouvé au groenland des figures de vikings sculptées
par des inuit de l'endroit, mais comme le style de cette statuette
diffère de celui qui caractérise les sculptures groenlandaises,
on est amené à croire qu'elle est l'oeuvre d'un artiste local.
les sites archéologiques où on a fait des fouilles ne
constituent qu'une infime partie des établissements, dispersés
dans tout l'arctique canadien, qui remontent à la période
précédant l'abandon des colonies nordiques (appuyez
ici pour voir une photo d'une maison thuléenne). des recherches
plus poussées fourniront sans aucun doute de nouveaux indices de
relations possibles entre vikings et inuit. certes, il se pourrait que
toutes les pièces de tissu et tous les objets en fer, en bronze
et en cuivre qu'on a trouvés dans les sites inuit de l'arctique
canadien aient été obtenus grâce à quelques
incursions dans les fermes groenlandaises ou lors d'expéditions
de chasse. elles auraient ensuite été transportés
comme objets de troc vers le nord, depuis les groupes inuit jusqu'à
la région de thulé, puis vers l'ouest et le sud à
travers l'arctique canadien. cependant, il semblerait que l'histoire ne
s'arrête pas là. il est douteux en effet que les contacts
entre vikings et inuit se soient limités à de rares et brefs
affrontements. on est plutôt autorisé à croire que
ces peuples se sont livrés pendant plusieurs siècles à
des activités commerciales profitables aux deux partis, et que ces
relations peuvent avoir encouragé les vikings à s'aventurer
de temps à autre dans certaines parties de l'arctique canadien oriental.
lectures suggérées
exposition viking/the vikings exhibition [catalogue].
ottawa, la galerie nationale du canada, 1968.
les vikings et leurs prédécesseurs [catalogue].
ottawa, musée national de l'homme, musées nationaux du canada,
1981.
robert mcghee.
le canada au temps des aventuriers. musée canadien des civilisations, 1991.
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date de création : 29 février, 2000. mise à jour :
20 juillet 2001
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